May 30, 2011

Mesurer la demande



Tout marché qui semble à priori intéressant doit faire l'objet d'une analyse approfondie concernant son potentiel puis, comme un marché est rarement homogène, il conviendra le plus souvent de le découper en segments.
Les cibles potentielles sont nombreuses et il faut pouvoir les évaluer et les comparer. Aussi l'entreprise a-t-elle besoin de mesurer et de prévoir le volume, l'évolution et les perspectives de rentabilité des différents marchés.
À moins de dicter leur planning à vos concurrents, renoncez à prédire l'avenir (Al Ries & Jack Trout - Les 22 lois du marketing).
La plupart des stratégies de marketing impliquent un sorte de don de voyance extralucide. Or, les programmes fondés sur ce qui arrivera dans l'avenir se trompent presque toujours. Un régiment de météorologistes armés de centaines d'ordinateurs s'avouent incapables de prévoir le temps qu'il fera dans trois jours. Qui prétendrait prédire le comportement d'un marché dans trois ans ?
L'incapacité à prévoir les réactions de la concurrence est l'une des première cause d'échec du marketing. La plupart des problèmes des entreprises ne sont pas le fruit d'une stratégie marketing à court terme. Les causes du mal sont les stratégies financières à court terme. La vie de la plupart des entreprises est régie au rythme des bilans trimestriels, et c'est là où le bât blesse.
Il existe une bonne manière de planifier à court terme. C'est de trouver l'idée qui vous permet de personnaliser votre produit et votre entreprise. Il vous reste ensuite à vous fixer à long terme une ligne de marketing, un programme général qui vous permettra de tirer le maximum d'effet de cet angle ou de cette idée. Il ne s'agit pas d'un plan à long terme, mais d'une ligne directrice générale.
L'analyse des tendances peut être un outil efficace pour s'adapter à l'imprévisible. Mais les études de marché peuvent créer plus de problèmes qu'elles n'en résolvent. Leur point fort est justement de mesurer les événements passés. Or, les effets des idées nouvelles échappent à toute tentative d'évaluation. Personne ne dispose des cadres de référence qui seraient nécessaires. Aucun consommateur ne peut dire ce qu'il fera tant qu'il n'est pas confronté à une décision réelle.
L'étude de Xerox avant le lancement de la photocopieuse à papier ordinaire est un exemple classique. Il en était ressorti que pratiquement personne n'était prêt à payer 5 cents une copie sur papier normal, alors que la copie au " thermofax " ne coûtait que 1,5 cent. Heureusement Xerox passa outre.

1) Les principaux concepts de mesure de la demande

Il est essentiel dans une entreprise de définir ce que l'on entend précisément par demande :
  • Les différents niveaux d'un marché : Choisir la façon de mesurer un marché. Il existe six niveaux de produits (article, produit, gamme de produits, entreprise, secteur, marché total), cinq niveaux d'espace(client, territoire, région, pays, monde) et trois niveaux de temps (court, moyen et long terme).
  • Quel marché mesurer : Le problème de la mesure d'un marché est encombré d'un grand nombre de termes ambigus. Les responsables d'entreprise parlent de prévisions, de prédictions, d'estimations, de projections, d'objectifs, de cibles, de quotas et de budget.
  • Les concepts de base de la demande : La demande du marché relative à un produit est le volume total qui serait acheté par une catégorie de clientèle donnée, dans un secteur géographique donné, au cours d'une période donnée, dans des conditions d'environnement données et en réponse à un programme marketing donné.
Plutôt le premier que le meilleur (Al Ries & Jack Trout - Les 22 lois du marketing)
Bien des gens s'imaginent que le principal objectif du marketing est de convaincre les clients de la supériorité d'un produit ou d'un service. Erreur ! Si vous détenez une faible part du marché, si vous en êtes réduits à lutter contre des concurrents plus puissants et financièrement plus solides que vous, c'est que votre stratégie était initialement fautive.
En vertu de la loi du premier occupant, ce qui compte, c'est d'être le premier, et non le meilleur. Il est bien plus facile de vous imposer d'emblée dans les esprits si vous êtes sans rival dans votre catégorie, que d'essayer ensuite de convaincre vos clients de la supériorité.
Le premier aviateur à avoir traversé l'Atlantique est Charles Lindberg mais, qui se souvient du numéro deux : Bert Hinkler ? Il était meilleur pilote que Lindberg. Il traversa plus vite, en consommant moins de carburant. Le premier à marcher sur la lune fut Neil Armstrong, et le second ? La plupart des entreprises attendent l'apparition d'un marché, puis elles sautent sur le créneau, avec un " meilleur " produit, qu'elles commercialisent souvent sous leur marque habituelle. Dans la jungle impitoyable qu'est le marché actuel, un produit qui se contente d'en imiter un autre (un me-too, dit-on parfois), lancé sous un nom de produit dérivé, a peu de chances de devenir un grande marque très rentable.
Ce n'est pas aussi difficile qu'il n'y paraît. Le succès d'IBM fit des émules. Tout un chacun se précipita sur le créneau. Burroughs, Control Data, General Electric, Honeywell, NCR, RCA, Sperry. On les avait surnommés " Blanche-Neige et les sept nains ! ". Or quel nain a réussi à devenir une multinationale qui regroupe 126'000 employés, réalise annuellement un volume de vente de 14 milliards de dollars et se voit souvent couronner " deuxième firme informatique du monde " ? Aucun des sept. La firme informatique la plus prospère, après IBM, dans les années 70 à 80, fut Digital Equipment Corporation. IBM était le leader des ordinateurs. DEC dominait le créneau des mini-ordinateurs.Ce qui compte, c'est d'être le premier dans l'esprit des clients (Al Ries & Jack Trout - Les 22 lois du marketing).
Le premier micro-ordinateur du monde fut le MTS altair 8800. Du Mont avait lancé le premier poste télé. Duryea, la première automobile. Hurley, la première machine à laver. Aucun n'a survécu sur le marché.
La loi du premier occupant aurait-elle de sérieuses failles ? Non, mais la loi de l'esprit la nuance. Ce qui compte, c'est d'être le premier dans l'esprit des clients. Arriver chronologiquement le premier n'a d'intérêt que dans la mesure où cela vous permet de prendre pied le premier dans les esprits.
IBM n'était pas le premier sur le marché des gros systèmes. Remington Rand avait déjà lancé son Univac. Mais, grâce à une campagne de marketing appropriée, IBM s'infiltra le premier dans l'esprit des clients, et vous connaissez la suite.
Pour modifier un fichier informatique, il vous suffit de détruire ou " d'écraser " le matériel existant. Mais si voulez amener quelqu'un à changer d'opinion, bon courage ! Une fois fixée, une opinion résiste à (presque) tout. En marketing, tenter d'inverser une opinion établie relève de l'opération kamikaze. Ceci peut expliquer l'énigme de ces jugements quasi définitifs qui se forment dans les esprits, de façon instantanée et parfois irrationnelle.
Si vous voulez faire forte impression sur quelqu'un d'autre, n'espérez pas y parvenir " petit à petit ". Ce n'est pas ainsi qu'on s'immisce dans un esprit. Le cerveau ne sécrète pas ses impressions favorables comme les huîtres font leurs perles. Pour s'imposer, il faut frapper un grand coup. Pourquoi ? Parce que nous détestons changer d'avis.

2) L'estimation de la demande

Le potentiel du marché correspond au niveau des ventes totales (en unités ou en valeur) qui pourrait être obtenu par l'ensemble des firmes présentes au cours d'une période de temps donnée, pour un effort marketing donné, et dans des conditions d'environnement données.
Les potentiels sectoriels :
  1. Méthode d'addition des marchés. (vente de biens industriels) Addition des achats potentiels de tous les acheteurs potentiels de chaque marché. Il faut une liste des acheteurs (Kompass, liste d'adresses, etc..) et une bonne estimation de ce chacun achètera (examen d'un historique de commandes, questionnaires à un échantillon d'entreprises, etc...).
  2. Méthode de l'indice du pouvoir d'achat (biens de grande consommation). Par exemple, on peut supposer, dans un premier temps, que le marché potentiel dépend d'un seul facteur : la population. Il existe d'autres indices diffusés par des sociétés d'études privées.
Les ventes et la part de marché : Une entreprise doit apprécier ses ventes ainsi que sa part de marché. Par exemple, les sociétés de panels de détaillants ou de consommateurs permettent de se comparer de façon régulière aux résultats de l'ensemble du secteur.

3) L'estimation de la demande future.

À l'exception des produits ou services pour lesquels la concurrence soit n'existe pas (monopoles), soit n'évolue guère (oligopoles), la demande du marché comme la demande de l'entreprise ne sont pas stables d'une année à l'autre. En général, l'entreprise procède en trois temps pour prévoir ses ventes : une prévision de l'environnement, une prévision de l'activité de la branche et enfin une prévision de ses propres ventes.
De nombreuses méthodes ont été élaborées, tant en ce qui concerne le long que le court terme. Pourtant il n'existe que trois moyens d'obtenir des informations : on peut s'intéresser à ce que les gens disent (étudier les opinions des acheteurs, de la force de vente ou des experts), à ce que les gens font (lancement du produit en marché témoin), ou à ce que les gens ont fait (étude des séries chronologiques, étude statistique de la demande).
  • Les enquêtes d'intention d'achat : cette méthode est surtout utile pour les produits industriels, les biens de consommation durable (automobiles, logement neuf, meubles, électroménager), et les nouveaux produits. Ces informations sont périodiquement menées par différents organismes (notamment par les associations ou les syndicats professionnels). Il y a également les sociétés d'études et les médias spécialisés. Certaines entreprises réalisent elles-mêmes leurs propres enquêtes.
  • Les opinions des vendeurs : peu de sociétés utilisent sans les modifier les estimations fournies par les vendeurs. En effet, un représentant est souvent partial, ou optimiste, ou bien il passe d'un extrême à l'autre selon qu'il vient d'essuyer un échec ou de décrocher un gros contrat. Il peut aussi délibérément sous-estimer la demande, s'il pense bénéficier d'un quota plus favorable.
  • Les opinion d'experts : il peut s'agir des distributeurs, des fournisseurs, des associations professionnelles ou de consultants externes. Il existe cependant des inconvénients :
    1. les opinions sont en général moins fiables que les faits,
    2. la responsabilité de la prévision est partagée et l'on accorde un poids égal aux bonnes et aux mauvaises estimations,
    3. cette méthode est plus adaptée à une prévision globale qu'à une prévision par secteurs, produits ou segments de clientèle.
  • Le marché témoin c'est à dire la mise en vente expérimentale du produit sur le marché, est particulièrement utile à l'établissement de prévisions de ventes, dans le cas de nouveau produit ou bien d'un produit déjà existant dans un nouveau secteur ou circuit de distribution.
  • Les séries chronologiques se composent en général de quatre éléments : la tendance, le cycle, la saison et l'événement aléatoire. Analyser une série chronologique consiste à la décomposer en ces éléments. Il faut surtout se garder de procéder à une extrapolation trop mécanique. La prévision ne consiste pas simplement à relier entre eux des éléments, mais comporte une phase créative. Les facteurs systématiques qui sous-tendent l'évolution passée peuvent en effet avoir évolués et il convient d'en apprécier séparément l'impact.
  • L'analyse statistique de la demande : L'analyse des séries chronologiques se contente d'étudier les ventes en fonction de la seule variable temps, sans prendre en compte les différents acteurs explicatifs de la demande (prix, revenu, population et effort promotionnel).